Mobilité urbaine à Copenhague : bienvenue au pays du vélo
Avec le Tour de France 2022 qui débute au Danemark, le royaume scandinave est une fois encore sous le feu des projecteurs grâce à ses infrastructures cyclables de rang mondial.
Les louanges sont largement méritées, même si le gouvernement tente de contrer le relatif déclin du vélo dans le pays via l’injection de millions de kroners dans de nouveaux projets pour les cyclistes.
Enquête.
La plus grande course dans la plus grande ville cycliste du monde
En 1973, l’embargo pétrolier opéré par l’Arabie Saoudite contre les États-Unis déclenche une crise énergétique mondiale. Le prix du pétrole quadruple, entraînant des pénuries de carburant et révélant la dépendance de l’Occident à l’égard du pétrole et des combustibles fossiles étrangers. Au Danemark – un pays qui avait jusque-là adopté avec enthousiasme l’automobile – la crise se transforme en opportunité. Alertés par les dangers de la dépendance énergétique et stimulés par un mouvement environnemental en plein essor, les politiciens, les responsables politiques et les urbanistes cherchent alors une manière ambitieuse de diminuer l’importation de l’or noir. À commencer par l’intensification des investissements dans les énergies renouvelables telles que l’éolien et la biomasse, qui représentent aujourd’hui 67 % de l’approvisionnement en électricité du pays.
Seconde stratégie payante : miser sur les quadriceps et les fessiers des Danois, en abandonnant les plans de grands projets routiers, en rendant davantage de rues piétonnes et en plantant les premières graines du réseau de pistes cyclables du pays. C’est ainsi qu’une machine à deux roues et à propulsion humaine, le vélo, est devenu l’emblème de la transition énergétique verte du Danemark.
Grâce à ses investissements dans les énergies renouvelables et les infrastructures cyclables, le Danemark est désormais en bonne voie pour atteindre son objectif de zéro émission nette en 2050. Le vélo n’a jamais joué un rôle aussi important dans cette transition qu’à Copenhague, capitale danoise et haut lieu du cyclisme, qui s’est fixé pour objectif de parvenir à des émissions nettes nulles d’ici 2025. Selon le Centre pour le développement régional, le vélo dans la région de la capitale danoise réduit les émissions de carbone de 110 000 tonnes par an. À Copenhague, les vélos sont 5 fois plus nombreux que les voitures et, chaque jour, les cyclistes parcourent environ 1,4 million de km à travers la ville, soit l’équivalent de 400 fois le Tour de France.
40% des habitants de Copenhague se déplacent à vélo, quelle que soit la saison. ©VisitDenmark
Dès lors, la ville a été couronnée de succès et de récompenses. En 2008, Copenhague est devenue la première ville à recevoir le label Bike City de l’Union cycliste internationale, et depuis 2015, elle détient le titre de ville la plus adaptée à la pratique du vélo au monde, selon l’indice Copenhagenize – « le classement le plus complet des villes favorables au vélo sur la planète Terre« . Copenhague est également reconnue comme l’une des trois « villes cyclistes pionnières, performantes et de classe mondiale » par le projet Handshake – un projet financé par Horizon 2020 dans le cadre de l’initiative CIVITAS de l’UE. Aux côtés d’Amsterdam et de Munich, Copenhague fait office de ville mentor pour les municipalités européennes qui cherchent à faire la transition vers le deux roues.
En témoigne la récompense ultime : le privilège d’accueillir le Grand Départ du Tour de France sous les yeux du monde entier. La plus célèbre course cycliste du monde a traversé le pays durant trois jours, pour atteindre le point le plus septentrional de son histoire. Christian Prudhomme, le directeur général du Tour, ne s’y méprend d’ailleurs pas en prenant comme slogan « quand la plus grande course cycliste du monde rencontre la plus grande ville cycliste du monde« .
Les meilleures activités à faire à Copenhague
Le vélo à Copenhague, une histoire de gros sous
Mais qu’est-ce qui fait de Copenhague la « meilleure ville cycliste du monde » ? Comment 97 % des Copenhagois affirment être satisfaits des infrastructures cyclables dans la capitale danoise ? C’est une question de volonté… et de moyens ! De l’emblématique Cykelslangen, le pont exclusivement réservé aux vélos qui serpente Fisketorvet et enjambe le canal, à Den Grønne Sti, la voie verte qui court à travers un ancien couloir ferroviaire, les habitants ont l’embarras du choix pour se déplacer à vélo en toute sérénité. Depuis 2005, Copenhague a consacré un milliard de couronnes danoises dans les infrastructures cyclables, construisant notamment 13 ponts pour permettre de traverser le port et les différentes voies d’eau qui parsèment la ville. Au total, les investissements ont permis d’élargir le réseau cyclable à 385 km, incitant de nombreux résidents à passer de quatre à deux roues.
Le Tour de France, dont le coup d’envoi fut donné par un contre-la-montre de 13,2 km à travers Copenhague, met en valeur certaines des infrastructures cyclistes de classe mondiale de la ville. « C’est une occasion unique de montrer au monde entier à quel point le Danemark est beau, comment nous utilisons le vélo tous les jours, comment est notre infrastructure pour les pistes cyclables et comment vous pouvez vous déplacer au Danemark en vélo en un temps record. comment on peut se déplacer au Danemark en vélo dans les dans les villes sans avoir peur« , affirme Alex Pederson, le porte-parole du Grand Départ au Danemark.
Dronnings Louise Bro, la piste cyclable la plus fréquentée du monde. ©L’instant nordique
Le vélo à Copenhague, une histoire d’amour qui doit continuer à s’écrire
En plus d’être une fête du vélo, le Tour de France au Danemark représente également une excellente opportunité pour un appel à l’action. Le ministère danois des transports a déclaré que 2022 serait « l’année du vélo » au Danemark. De ce fait, un plan d’infrastructures a été établit jusqu’à 2035 par le Parlement danois pour consacrer 3 milliards de couronnes danoises à la petite reine au cours des prochaines années. Le programme ambitieux, qui s’élève au total à 160 milliards de couronnes, comprend également 64 milliards de couronnes pour les routes et 86 milliards de couronnes pour les transports publics.
En mai 2022, 200 millions de couronnes avaient été mises de côté pour 39 projets cyclistes dans tout le pays. Ces chiffres ne tiennent pas compte des projets de transport financés par les municipalités. Selon Jens Peter Hansen, président national de Cyklistforbundet, la fédération danoise des cyclistes, la poursuite des investissements dans les infrastructures cyclables est cruciale – en particulier au niveau national. La culture du vélo au Danemark n’est en aucun cas confinée à Copenhague – neuf Danois sur dix possèdent un vélo et 12 000 km de pistes cyclables existent dans tout le pays – mais la capitale fait figure d’exception, selon Jens Peter Hansen. Selon les chiffres de la ville, 62 % des habitants de Copenhague se déplacent désormais à vélo. À Aarhus, deuxième ville du pays, seuls 25 % des habitants se rendent au travail en deux roues. Le plus troublant, selon Mme Hansen, est que le cyclisme au Danemark est en déclin depuis 2014 et a en fait commencé à baisser à Copenhague également. Pour lutter contre le déclin du cyclisme, « il faut il faut créer de meilleures infrastructures pour le vélo, et vous devez arrêter d’essayer de faire de meilleures infrastructures pour les voitures« , a-t-il déclaré à CPH POST.
Le deux roues, le couteau suisse de la société danoise
Une autre différence majeure sur l’approche de la mobilité urbaine à Copenhague s’inscrit dans prise en compte des infrastructures comme des espaces dynamiques, et non plus des voies cyclables. Dans la capitale danoise, la moitié de l’espace entre les maisons est consacrée aux voitures, alors que les infrastructures cyclables n’en occupent qu’environ 10 %. Outre les infrastructures, M. Hansen affirme que des politiques doivent être mises en œuvre pour faire du vélo une option de transport plus sûre, plus pratique et plus gratifiante. Sur cette base, il soutient la récente initiative visant à abaisser les limites de vitesse dans la capitale. Il estime également que la mise en œuvre d’une politique incitatives auprès des employés pour qu’ils effectuent leurs trajets quotidiens à vélo est cruciale dans le développement des mobilités douces.
Pour ceux qui vivent en dehors des grandes villes, il reconnaît le défi de faire du vélo une alternative plus attrayante – une préoccupation partagée par Trine Bramsen, la ministre danois des transports. Tous deux affirment qu’il est vital de trouver de meilleures façons de combiner le vélo et les transports publics. Ils s’accordent également à dire que l’essor des vélos électriques pourrait changer la donne en rendant possible la réalisation de longues distances sans voiture.
L’un des ponts cyclables emblématiques de Copenhague, qui relie Nyhavn à Christianshavn. ©VisitDenmark
Comme l’indique le ministère danois des finances, Copenhague enregistre un gain économique de 4,80 couronnes chaque fois qu’une personne parcourt 1 km à vélo. Comme le dit Bramsen : « La société économise beaucoup d’argent chaque fois qu’un vélo est utilisé à la place d’une voiture« . Pour Hansen, il s’agit de la manière dont ces économies se concrétisent : en relevant les défis sociétaux liés à la santé, à la congestion, à la sécurité et à l’environnement. « Le vélo est le couteau suisse de la société. Quel que soit le type de problème auquel la société est confrontée, le vélo peut contribuer à le résoudre« , affirme M. Hansen. Il faut de l’argent pour économiser de l’argent, et pour récolter les bénéfices du vélo, le Danemark doit continuer à investir dans ce domaine.
Passionné de voyages et amoureux des pays nordiques, Vincent est le fondateur de L’instant nordique. Depuis toujours, il aime manier la langue de Molière pour partager ses aventures. Après avoir vécu à Helsinki et en Suède, il prête désormais sa plume en tant que rédacteur freelance pour de nombreux médias. Son unique crédo : explorer l’inexploré.
Bonjour, comment font les danois pendant l’hiver, sous la pluie et le froid de la neige lorsqu’ils sont à vélo?
Merci de votre intérêt
Bonjour Françoise,
Qu’il pleut, qu’il vente, qu’il neige, tout le monde reste à vélo au Danemark 🙂
L’un de mes dictons scandinaves préférés, qui est usé à l’excès : « il n’existe pas de mauvaise météo, mais que de mauvais habits. »
J’espère que vous aurez l’occasion de vivre une expérience cycliste au Danemark prochainement.